« Je me souviens de ce que me racontais mon grand père à propos la création de notre monde... commenta le grand prêtre de Mithridate avec force geste pour sa classe. Au commencement, quelque part dans le cosmos, était un dieu en quête d’expériences et qui se croyait seul dans le grand Ciel. Il avait le projet de doter une planète de vie mais pour cela, il conçut au préalable des entités pour l’aider dans sa quête. Il les nomma « Anges » et les dota de la fonction de messager. Puis, pour les diriger eux même, il décida de créer quatre êtres supérieurs encore a ces entités : les Archanges. Puis, sans jeter un regard à sa création, il choisit une planète et la dota de tout ce qui rend la vie possible.
Et soudain, avant de créer son apothéose, l’humain, il décida de faire une pause et convia les Archanges à son triomphe suprême. C’est alors qu’il vit, que si trois d’entre eux lui ressemblaient, le quatrième était différent. C’était la première femme de l’histoire de l’univers. De voir cet être qui ne lui ressemblait pas, de sentir ce caractère si différent, le grand Dieu prit peur et c’est horrifié qu’un être tel que lui ait pu créer quelque chose de si imparfait pour gérer son utopie qu’il exila celle qui avait mis tout son cœur à la réalisation du projet de son père.
Puis, pris de soudains remords, il décida de chérir les trois Archanges restants et les dota de noms. Gabriel, Michel et Raphaël. A la mémoire de sa fille disparue, après avoir créer son premier homme, il créa son contraire féminin. Et il vit que cela était bon.
Tenace et décidée, la jeune Bannie voulut reconstruire son existence pour lui donner un sens. Elle se dota elle-même d’un nom, Mithridate, « l’Exilée qui créa » dans le langage des Anges, et se mit à la recherche d’un endroit ou elle pourrait jouer le même jeu que son père, la création d’un monde.
Elle rencontra par hasard un autre Dieu nommé Fuaeron qui errait dans l’espace et apprit ainsi qu’il existait bien d’autres peuplades dans l’univers. Son intelligence et sa gentillesse charmèrent la jeune Archange et c’est ensemble qu’ils décidèrent de passer leur vie. C’est de là que viens notre tradition du mariage voyez-vous... »
Le grand prêtre s’interrompit pour prendre une gorgée d’eau et embrassa du regard les enfants assis à même le sol qui buvaient ses paroles avec avidité. Il reprit.
« Les humains enfantent par amour, les dieux créent. Fuaeron créa un œuf de glaise qu’il lança dans le cosmos avant d’y planter les Dix Graines Fondamentales qui donnèrent naissance à la Réalité. Mithridate s’approcha alors de l’œuvre, en arracha quelques morceaux de la surface et l’enflamma, dotant ainsi la planète nouvelle d’un soleil. Dans les creux laissés par ses mains se glissèrent les océans. Puis, la température régnant sur le sol devenu trop insupportable, elle arracha un petit morceau de l’astre nouveau et créa deux lunes, Nartap la rouge et Violep la bleue, pour éclairer les animaux la nuit.
Puis ils créèrent la vie, plantes et animaux, pour peupler leur nouveau monde. Fuaeron n’eut qu’une exigence : qu’on lui laisse le droit de faire un cadeau particulier à une des espèce. On créa alors la plus faible de toute, l’Homme. Pas d’épaisse toison, pas de cornes, pas de crocs, pas de griffes, incapables de voir dans le noir ou de se camoufler... Il semblait inapte à la survie dans le commencement rude de notre monde. Il n’avait pour atout que le cadeau inestimable de Fuaeron. Mais quel cadeau ! Il leur avait insufflé la conscience et la pensée...
Mais l’homme est ingrat, c’est dans sa nature, et oubliant par la suite à qui il devait son statut d’animal supérieur, il cessa de remercier les Dieux pour ce cadeau qu’il jugeait acquis de droit. Il arrêtèrent de penser, commencèrent à se battre entre eux, oubliant qu’ils se ressemblaient et plein d’intolérance. Fuaeron, déçu, préféra se désintéresser d’une espèce aussi stupide et lassa par là même de la planète qu’il avait tant aimée. Il s’en fut une nuit, laissant Mithridate sa compagne se débrouiller seule avec ce monde en perdition.
Faisant une nouvelle fois preuve de sa ténacité, la déesse ne s’abandonna pas longtemps au chagrin. A ses larmes de tristesse succédèrent des larmes de colères et de rage meurtrière. C’est dans ces conditions qu’elle enfanta Fäbra, le futur Dieu de la guerre. Faisant alors contre mauvaise fortune bon cœur, elle décida que ses enfants l’aideraient à redresser son monde branlant.
Nos ancêtres commençaient à évoluer et avaient des Dieux aux dessus d’eux. Et surtout Elle, notre Mère à tous, Mithridate, tenace et courageuse à jamais. L’histoire ne dit pas ce que devint Fuaeron. Certains disent qu’ils errent toujours quelque part dans le cosmos, perdu et pleurant son regret, et que là où tombent ses larmes, la vie naît. D’autres disent qu’il a disparut, qu’il est mort ou qu’il nous nargue. Que nous ne sommes pas assez bien pour sa divine puissance. Moi je ne sais pas où il est, mais je m’efforce d’améliorer mon comportement chaque jour où le soleil sort baigné de sang du grand lac pour qu’un jour les hommes méritent son grand retour. »